Assurance digitale : 5 leviers pour transformer le marché camerounais
Numériser les différentes plateformes des structures privées et publiques, demeure parmi les grands défis de l’Afrique. Au Cameroun, les sociétés d’assurances intègrent peu à peu cette faculté de pouvoir disposer de ces outils liés à la digitalisation. Dans cet article, nous proposons 5 piliers endogènes, fondamentaux sans lesquels les assureurs pourraient difficilement amorcer leur processus de transformation digitale.
La vision managériale
La transformation digitale induit des changements dans l’environnement de travail, de ce fait le manager doit être le 1er acteur du processus, il doit pouvoir accompagner et encadrer son équipe, ainsi que l’ensemble des ressources qui interviennent. Pour ce faire, il doit être informé et formé, en étant lui-même convaincu du projet.
Le manager doit avoir une vision claire et des objectifs spécifiques, qu’il devra inculquer à son personnel. En effet, la digitalisation d’une entreprise ne se fait pas de façon isolée, elle se réalise de manière collective. C’est une révolution managériale. Et même si tous les collaborateurs n’ont pas le même niveau de capacités technologiques, le manager doit s’assurer que chacun comprenne effectivement l’importance de son apport personnel et surtout la mise en écho avec ses compétences fonctionnelles dans l’entreprise.
L’intégration des ressources à travers la formation et la sensibilisation
Avec la réforme actuelle de la formation professionnelle, il n’est plus question de concevoir la formation comme une dépense, mais plutôt comme un investissement dans la compétence et le maintien durable de l’employabilité. De ce fait, les assureurs devraient investir dans la formation du personnel autant qu’ils le font pour les actifs immobilisés par exemple, afin de constituer une RH 2.0. La formation elle-même connait une effervescence certaine en termes de transformation digitale. Ainsi, il faut sans doute se préparer à vivre dans une économie de la connaissance qui suppose que “la craie blanche et le tableau noir” se modernisent, e-learning, MOOC, classes virtuelles… constituent autant d’approches émergentes qui mettent l’apprenant au centre de pédagogies résolument actives. Les entreprises disposent donc de tous les moyens pour garantir une formation continue et appropriée à leurs employés.
D’autres parts, les ressources doivent être sensibilisées, notamment aux nouvelles orientations stratégiques, aux changements comportementaux nécessaires, aux objectifs et aux indicateurs clés de performances (KPI). Les employés d’assurance doivent être initiés à l’auto formation et à l’auto évaluation, process fondamentaux qui leur permettront de devenir ce qu’on appelle désormais des intrapreneurs (Richard Branson décrit l’intrapreneur comme un employé qui a la liberté et le soutien financier et moral de créer de nouveaux produits, services et systèmes, qui n’a pas à suivre les routines ou protocoles habituels de l’entreprise.).
En définitive, l’administration (DRH) doit s’assurer que les ressources soient désormais intégrées de manière efficiente : « The right person at the right place », la transformation digitale et la concurrence accrue, contraignent l’assureur à trouver une organisation lui permettant de s’adapter aux nouveaux enjeux, d’innover pour rester en avance sur le marché. Ainsi, cette nouvelle vision qui exige le redéploiement des ressources humaines, imposera à l’entreprise de revoir son business model.
La révision du business model
On ne le dira jamais assez, Les habitudes de consommation, le style de vie et les attentes du public ont fortement été modifiés par l’omniprésence des TIC, ATAWADAC (Any Time, Any Where, Any Device, Any Content) soit tout, tout de suite, n’importe où et sur n’importe quel support ! Telle semble être aujourd’hui la devise du consommateur… Ceci devrait imposer un changement d’approche dans le secteur de l’assurance, notamment avec l’apparition des solutions de paiement mobile, la montée des applications et le poids important des réseaux sociaux. Toutefois, on observe que le recours aux canaux dématérialisés dans l’assurance reste embryonnaire en Afrique en général. Selon plusieurs experts, les modèles opérationnels classiques que sont les bureaux directs, le réseau de courtiers et agents généraux, ainsi qu’une communication principalement offline à la télévision ou en affichage sont encore privilégiés. Cette situation est surtout propre aux pays francophones. Dans les pays anglophones, le Nigéria a par exemple réalisé des avancées dans le domaine de la « Cashless Society », une société où l’argent est dématérialisé.
Au Cameroun, l’interface « E-Insurance » développée par la compagnie Zenithe Insurance, démontre que rien ne s’oppose aujourd’hui à la souscription de bout en bout d’un contrat d’assurance par voie numérique. Sauf que dans la configuration actuelle du marché, le fait que l’assureur ne puisse apposer une signature électronique sur la police d’assurance crée une rupture dans la dématérialisation de la procédure de souscription. Le contrat physique est encore indispensable. La réglementation demeure donc un blocage, dans la mise en œuvre de ce modèle de distribution de l’assurance plus réceptif aux nouvelles contraintes du digital.
S’ils sont résolus à revoir leur business model, les assureurs disposent d’un certain nombre d’innovations qui ont déjà été testés et éprouvés. Parmi elles figure la revente des produits d’assurance par des courtiers, sur le site de l’assureur (en marque blanche), via leur application mobile ou encore à travers des réseaux de distribution (supermarchés, stations-services, commerce de détail…). Les compagnies ont également la possibilité de proposer des programmes de fidélité capables de suivre le comportement d’achat du client et enregistrent des informations liées à sa condition physique pour comprendre les risques qui lui sont associés. D’autres nouveaux modèles d’assurance permettent aux assurés qu’ils sont en groupe ou individuel, de souscrire avec paiement de la prime à la carte. Avec des montres connectées par exemple, l’assureur analyse le niveau de risque selon les activités du client et ses lieux fréquentés et le fait payer pour cela au lieu d’une prime forfaitaire telle qu’appliqué dans les formules classiques. Avec l’avènement des IoT, il est désormais question d’adapter les primes à la qualité de vie de l’assurer. Enfin, pour gérer les défis de la sécurité et de la réglementation dans ce nouveau modèle de distribution, les experts recommandent le concept de blockchain, une sorte de registre contrôlé non pas par une autorité unique, mais par l’ensemble de ses parties prenantes. Cette décentralisation de la gestion de la sécurité empêche l’altération des transactions, à la différence d’une base de données classique où l’administrateur peut modifier les informations.
L’audit de la digitalisation des processus fonctionnels
L’une des étapes primordiales de la transformation digitale consiste à effectuer un diagnostic de l’existant, on appelle cela un audit. Il s’agit alors pour les assureurs d’entreprendre un état des lieux complet de l’entreprises et de son organisation en termes de numérisation. On répertorie ainsi tous les process et on distingue ensuite ceux qui ont déjà été digitalisés de ceux qui ne le sont pas encore et qui pourraient être améliorés grâce au projet de transition numérique. De cette manière, les managers sont conscients des points forts de leur organisation et de des points faibles en matière de numérique.
La mise en œuvre de cette opération exige d’avoir des données terrain. C’est pourquoi il est vivement conseillé de sonder la chaîne entière de travail : les dirigeants, les employés, les prestataires, etc. Dans le Guide de la Transition Digitale (V. Ducrey & E. Vivier, 2016), les auteurs nous proposent cette structure d’audit :
- Audit des performances face à la concurrence : lister les forces et les faiblesses de votre offre par rapport à la concurrence, en faisant une analyse SWOT par exemple.
- Audit de la perception et de l’expérience client : grâce à des enquêtes de satisfaction, au social listening*, mais aussi en analysant les échanges avec la clientèle.
- Audit technologique : inventaire de l’existant et des chantiers en cours (logiciels métier, CRM, LAN, SGBD, marketing digital, etc.).
- Audit des compétences et audit organisationnel : connaître le niveau actuel des collaborateurs et cartographier le modèle d’organisation actuel
- Audit de la perception des employés : outre leurs compétences, connaître le moral, les envies, les peurs, … de vos équipes et ainsi les valoriser
Les nouveaux partenariats techniques et commerciaux
Les compagnies doivent amorcer la dématérialisation des process, grâce aux nouvelles solutions technologiques. Ces solutions englobent le circuit de la vente (devis en ligne, comparatif des offres, souscription en ligne avec remise physique du contrat…), mais également d’autres aspects tels que la déclaration et le suivi des sinistres, la gestion des relations avec les intermédiaires, les échanges entre collaborateurs et avec les experts (rapports d’expertise, photos du sinistre, formulaires, devis de réparation…).
Avec la révolution du IoT et des API, plusieurs AssurTech proposent des solutions clé en main performantes, afin d’accompagner les compagnies dans leur processus de digitalisation. Les assureurs n’ayant ni la ressource nécessaire, ni l’organisation et le temps matériel requis pour développer leurs propres solutions, doivent de manière stratégique, faire recours à ces partenariats externes.
Les 5 piliers du changement selon Knoster (Bonus)
Selon Knoster, tout changement structurel passe par 5 piliers essentiels et indissociables les uns des autres, que sont la vision, les compétences, la motivation, les ressources et le plan d’action :