« Au Cameroun, les gens n’ont pas la culture de l’assurance. Le secteur peut paraître fermé parce que les gens n’ont pas la bonne information. Il faut expliquer au public ce que nous faisons, c’est pourquoi nous sommes venus exposer nos produits ». Cette explication est d’un opérateur du secteur des assurances, au cours des journées portes ouvertes organisées à Bertoua en août 2021, par le Ministère des Finances. L’évènement selon Simon Pierre Tang, Chef Service Régional des Affaires Monétaires et des Assurances à l’Est, avait pour objectif « de développer la culture de l’assurance afin de la populariser, la rendre accessible à un grand nombre parce que toute activité humaine est concernée et encadrée par l’assurance ».
Plus d’un an plus tard, l’ASAC Association des Sociétés d’Assurance du Cameroun vient de publier le rapport provisoire 2022 du marché. Il en ressort un taux de pénétration de 1%, soit un gain de 0,1% sur le 0,9% réalisé en 2021. Dès lors la question se pose à savoir quels sont les facteurs qui peuvent justifier un taux aussi bas (il faut noter que le taux moyen dans la zone CIMA se situe à moins de 2%). Dans cet article, nous mettons en avant 3 principales raisons qui selon nous constituent les causes majeures pour lesquelles les camerounais ne s’assurent pas assez.

Les populations manquent d’information, de formation et de sensibilisation à l’assurance

Même si on observe quelques efforts faits par les assureurs pour communiquer, notamment à travers les réseaux sociaux, cette communication reste extrêmement insuffisante. S’il est établi que désormais les plateformes digitales constituent les outils de communication les plus efficaces et les plus accessibles à tous, on observe que plusieurs assureurs camerounais n’ont toujours pas de site web, la plupart axent leur communication sur les réseaux sociaux et cette communication est encore essentiellement centrée sur des contenus outbound : Pas de campagne de sensibilisation aux les risques, pas de politiques d’incitation avec des offres d’assurance spéciales, pas de campagne marketing avec des concepts et des cibles spécifiques. Si les compagnies manifestent la volonté de s’assurer une présence tout au moins institutionnelle dans l’espace communicationnel, que dire des intermédiaires ? Mis à part quelques multinationales et une poignée de locaux, les courtiers d’assurances sont complètement invisibles, que se soit en ligne ou hors ligne (certains n’ont même pas d’enseigne pour matérialiser leur bureaux). Selon la plupart des gens, ils ne voient leurs assureurs que lorsqu’il s’agit du renouvèlement de leurs polices d’assurance. Face à cette absence de communication, l’assurance demeure un mythe pour la plupart des gens, qui pourtant ont besoin d’être sensibilisés aux risques que ce soit automobile, maladie ou autres responsabilités civiles, dès lors, étant donné que l’on ne prévient jamais assez les risques, l’assurance se présente comme une alternative, lorsqu’on a le souci de préserver son patrimoine après un évènement malheureux. Encore faudrait-il que les assureurs garantissent à leurs futurs assurés qu’ils seront effectivement indemnisés en cas de sinistre.

Les populations ne font pas confiance aux assureurs

Le conseiller en assurances lambda peut témoigner du fait que pendant la prospection commerciale, l’objection la plus récurrente est que « les assureurs ne paient pas les sinistres ». Selon François Ewald, dans son essai sur l’anthropologie de l’assurance : « Assurance signifie d’abord confiance. Confiance en soi-même (parler avec assurance), confiance dans les autres, confiance dans une information. L’assurance est un rapport à soi-même et aux autres qui se traduit par la paix, la tranquillité, la quiétude, la sécurité. Être assuré, c’est avoir confiance. L’assurance, c’est ce qui donne confiance. ». Pourtant chez nous, Les gens ne s’assurent que parce que c’est obligatoire, pour remplir un dossier administratif, ou être en règle lors d’un contrôle de police, les assurés ne cherchent pas à comprendre les garanties car ils ne croient pas qu’ils seront indemnisés en cas de sinistre. Lorsqu’on se rapporte à la définition de l’assurance selon Ewald, l’on comprend aisément combien cette crise de confiance est un frein à l’engagement des populations vis-à-vis des offres d’assurances. Les assureurs doivent tout mettre en œuvre pour rétablir cette confiance entre eux et le public, notamment à travers les agents susceptibles d’aller rechercher des prospects.

Les commerciaux sont mal outillés et l’activité commerciale est mal organisée

De ce qui précède, il ressort que les assureurs doivent inspirer confiance, dès lors, il se pose la question de savoir si les commerciaux en tant que porte-étendards reflètent cette confiance. Pour la plupart des observateurs la réponse est non. Les commerciaux d’assurance sont eux-mêmes mal formés, pour la majorité, ils sont recrutés sans expérience et ne bénéficient pas d’une formation adéquate et conséquente avant d’être envoyés sur le terrain. D’autre part, l’absence d’outils de reporting fiables entraine un manque de confiance entre les commerciaux et les managers, ce qui provoque l’incapacité des managers de définir des objectifs réalistes et par conséquent, de fournir aux commerciaux les moyens appropriés qui leur permettront d’être représentatifs et ainsi d’inspirer cette confiance indispensable à la conversion des prospects en clients. Enfin, la plupart des assureurs manquent d’un réel plan de développement commercial et même lorsqu’il en existe un, la mise en œuvre et le suivi sont controversés. Il en résulte logiquement un turnover des équipes commerciales très élevé. Les assureurs gagneraient à structurer leur déploiement commercial et ainsi envoyer sur le terrain des équipes commerciales capables de convaincre les responsables de s’assurer.